

La Diaspora en Action: Les communautés Congolaises à l'étranger réagissent à la crise dans l'est de la RDC
03 September 2025
DEMAC publie sa dernière analyse en temps réel sur les efforts humanitaires menés par la diaspora dans l'est de la République démocratique du Congo
La diaspora congolaise, qui réside principalement en Europe occidentale, en Amérique du Nord, en Australie et en Afrique de l'Est, est estimée entre 500 000 et environ 2 millions de personnes. Cependant, le nombre réel de Congolais à l'étranger, en particulier dans les pays africains, est probablement beaucoup plus élevé, car de nombreux migrants ne sont pas enregistrés. La vaste diaspora congolaise envoie chaque année des fonds dans son pays d'origine qui dépassent le financement humanitaire institutionnel : selon la Banque mondiale, en 2023, les Congolais vivant à l'étranger ont envoyé 3,3 milliards de dollars.
En janvier 2025, la milice du Mouvement du 23 mars (M23) a pris le contrôle de Goma, intensifiant un conflit qui déstabilise depuis longtemps l'est de la République démocratique du Congo. En juin, plus de 3,8 millions de personnes avaient été déplacées dans le Nord et le Sud-Kivu, ce qui a constitué l'une des urgences humanitaires les plus graves au monde. Si le cessez-le-feu négocié en juillet 2025 a apporté un soulagement temporaire, le système humanitaire est mis à mal par la diminution de l'aide internationale, les coupes budgétaires américaines contribuant à des déficits massifs dans les interventions d'urgence.
En raison de ces contraintes, la réponse de plus en plus vitale qui a émergé de la diaspora congolaise se fait fortement sentir dans des secteurs clés tels que la santé et la sécurité alimentaire. Avec notre dernière revue en temps réel consacrée à la République démocratique du Congo, DEMAC vise à réduire le fossé entre la recherche et les politiques dans le domaine de la participation et de l'impact de la diaspora, ce qui devrait déboucher sur des résultats prometteurs.
Documenter l'action de la diaspora en temps réel
Entre janvier et juillet 2025, DEMAC et le Conseil danois pour les réfugiés en République démocratique du Congo ont mené une revue en temps réel (RTR) afin d'examiner comment les organisations de la diaspora (OD) se sont mobilisées pour soutenir les efforts humanitaires dans les régions du Kivu. L'étude a recensé 53 organisations de la diaspora, en a interrogé 13 et a mené des entretiens avec 47 informateurs clés issus de 29 entités, notamment des organisations de la diaspora, des organisations de la société civile congolaise, des ONG internationales et des représentants du gouvernement.
La majorité des organisations de la diaspora consultées ont été créées après 2005 et sont enregistrées en Europe, en Amérique du Nord et en Afrique de l'Est. Sur les 53 organisations identifiées, 34 opèrent actuellement dans les régions du Kivu: certaines dans les centres urbains, d'autres dans les zones rurales.

Countries of residence of mapped Diaspora Organizations
Nous sommes impatients de comprendre ce qu'elles font. Elles semblent très actives, mais nous ne les voyons pas. Elles ne sont pas présentes dans l'architecture de coordination. […] Si nous les connaissions, il serait plus facile de les mobiliser. Je leur attribue un rôle important, mais je dois voir comment elles peuvent s'intégrer et […] ce que leur aide a apporté concrètement sur le terrain. - Représentant des Nations Unies
Principales conclusions
Ambiguïté juridique et pratiques d'enregistrement
Les acteurs de la diaspora sont confrontés à une ambiguïté juridique en République démocratique du Congo, car ils ne sont pleinement reconnus ni comme acteurs politiques ni comme acteurs humanitaires. Les pratiques d'enregistrement varient : certaines organisations de la diaspora fonctionnent comme des branches locales d'organisations officielles, d'autres comme des entités juridiques distinctes, parfois sous des noms différents afin de dissimuler leurs liens avec la diaspora. Plusieurs informateurs ont refusé de révéler leur collaboration avec la diaspora par crainte d'être pris pour cible.
Collaboration avec les OSC locales et le gouvernement
Les organisations de la diaspora interviennent fréquemment dans les domaines de la santé, de l'éducation, des secours d'urgence et du plaidoyer. Leur travail est souvent informel et s'appuie sur des réseaux locaux pour fournir des kits scolaires, des articles d'hygiène et des fournitures médicales, ou pour organiser des cliniques mobiles. Si certaines initiatives sont autonomes, d'autres dépendent des OSC locales. Quelques-unes s'engagent dans des partenariats multi-acteurs, mais toutes n'ont pas accès à des plateformes de coordination formelles telles que le système de clusters. Seuls trois exemples de collaboration formelle avec des projets de santé des gouvernements locaux, basés sur des protocoles d'accord, ont été documentés.

Les DOs les plus fréquents travaillaient dans les secteurs suivants
La plupart de nos projets répondent à des besoins urgents. Lorsque nous recevons une demande d'aide, nous agissons. Il peut s'agir d'une famille qui a besoin d'un abri ou d'une femme qui doit subir une opération chirurgicale d'urgence... Notre modèle est axé sur l'humain avant tout. - Membre d'une organisation de la diaspora
Financement et canaux financiers
Le financement provient principalement du financement participatif. Les organisations de diaspora collectent des fonds par le biais de campagnes numériques, de groupes religieux ou d'événements communautaires. La plupart utilisent des plateformes de paiement mobile pour transférer des fonds, afin de contourner la fermeture du système bancaire. Ce modèle permet un engagement direct avec les bénéficiaires, une rapidité et une flexibilité accrues, mais présente également des risques en matière de transparence, de sécurité et de durabilité.
Forces et limites du modèle de la diaspora
L'engagement de la diaspora est motivé par la confiance, la proximité et l'urgence. Son caractère informel lui permet de contourner les bureaucraties institutionnelles et de réagir plus rapidement aux besoins émergents. Comme de nombreux membres du personnel et bénévoles sont issus des communautés touchées, les participants ont estimé que les organisations de développement répondaient mieux aux besoins de la communauté.

Crédits photo: DRC République Démocratique du Congo
Pour moi, c'est la première fois que j'entends parler de la diaspora. Il n'y a pas d'informations officielles. Bien sûr, il existe un réseau, mais nous ne disposons d'aucune information structurée. - Représentant d'une ONG internationale
Étude de cas : intégrer la réponse de la diaspora dans les plans de santé locaux
Diaspora Médicale Plus (DMP-RDC) a été fondée par des professionnels de santé congolais à l'étranger pendant la pandémie de COVID-19 afin de soutenir les soins de santé en République démocratique du Congo. Initialement réseau informel d'urgence, elle est devenue une ONG enregistrée en 2021 avec un bureau local à Bukavu. L'organisation collabore avec les agents de santé locaux grâce à des évaluations des besoins basées sur WhatsApp et des examens hebdomadaires effectués par des professionnels de santé de la diaspora. Grâce à des accords formels avec les zones de santé, DMP-RDC fournit des cliniques mobiles, une éducation sanitaire et des fournitures médicales conformes aux plans de santé publique.
Une confiance brisée sur le terrain
La perception des organisations de la diaspora (OD) par les groupes locaux de la société civile, les acteurs gouvernementaux et les agences humanitaires internationales soulève des questions quant à l'établissement d'une relation de confiance. Alors que les OD considèrent souvent leur approche flexible et axée sur la communauté comme un atout, de nombreuses OSC et OING locales les perçoivent comme un handicap. Des préoccupations ont été exprimées concernant le professionnalisme des OD, leur transparence financière et leur mépris des efforts locaux en cours. Les OD elles-mêmes ont reconnu ces tensions, soulignant les malentendus concernant la connaissance qu'ont les diasporas de la situation dans leur pays d'origine. Cette perception a conduit de nombreuses OD à faire face à la méfiance, souvent sans accès à des financements ou à des partenariats équitables.
Un appel à un engagement stratégique
Le rapport Real-Time Review se termine par une série de recommandations à l'intention des organisations de la diaspora, des OSC locales, des autorités gouvernementales et des acteurs humanitaires institutionnels. Il s'agit notamment de passer d'une aide réactive à un investissement stratégique, de systématiser le suivi et l'évaluation des besoins, et de créer des plateformes collectives afin d'amplifier l'impact des organisations de la diaspora.
Alors que le système humanitaire dans l'est de la RDC est confronté à des difficultés sans précédent, les conclusions de cette étude soulignent une vérité fondamentale : les organisations de la diaspora sont des acteurs essentiels dans les interventions d'urgence. Agiles, bien connectées et profondément engagées, elles soutiennent des communautés que l'aide officielle ne peut atteindre, ce qui rend la reconnaissance de leur soutien urgente.
DEMAC, le Conseil danois pour les réfugiés (DRC) et Farsight Global tiennent à remercier les membres de la diaspora congolaise à travers le monde, ainsi que les représentants des organisations locales de la société civile (OSC), les responsables des autorités locales, les organisations non gouvernementales internationales (ONGI) et tous les autres acteurs qui ont soutenu cette revue en temps réel (RTR) des efforts humanitaires de la diaspora dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Nous sommes fiers d'honorer l'expertise et l'expérience vécue des acteurs de ce secteur.
Cette revue en temps réel a été rendue possible grâce au généreux soutien du réseau H2H dans le cadre du Fonds d'activation pour la RDC par l'intermédiaire du Foreign, Commonwealth & Development Office (FCDO). Le contenu et les opinions exprimés dans ce rapport ne doivent pas être attribués à DEMAC et au réseau H2H et ne représentent pas leurs points de vue.